Page 16 - boucar_diouf
P. 16

   ENTREVUE EXCLUSIVE
BOUCAR DIOUF
« QUAND J’ÉTAIS ENFANT, EN AFRIQUE, LES LIVRES ÉTAIENT ASSEZ RARES. »
 Il y a donc une partie de ma documentation qui est déjà dans ma tête, mais je retourne tout le temps dans le bordel de mes livres pour vérifier et confirmer. »
Il raconte que son bureau-bibliothèque est tellement bordélique qu’il faut quasiment qu’il sorte tous les ouvrages pour finalement retrouver celui qu’il cherche.
« Mais j’ai un cerveau qui me permet de savoir où se trouve ce que je cherche. Il y a les livres, mais il y a aussi toute
la recherche que j’ai déjà faite pour mes livres, mes documentaires et mes émissions. »
Comme son domaine de prédilection est toujours le même, tout en ayant des sujets différents, tout son savoir est susceptible de lui servir. Il explique que lorsqu’il a écrit
son dernier spectacle, il avait en fait trois sujets de spec- tacles possibles. « J’ai d’abord avancé sur un sujet qui s’appelait Trois prédateurs et un bungalow, qui traitait du rapport entre le chien, le chat et l’humain. Je l’ai écrit au trois-quarts pour finalement l’abandonner. Ensuite, j’ai voulu écrire un spectacle sur les fleurs, mais arrivé à la moitié, j’ai abandonné. Je suis revenu à l’homo sapiens que j’avais commencé il y a longtemps. Finalement, c’est ce dernier qui a abouti. » N’ayez crainte, les brouillons des deux premiers serviront à un moment donné. « L’avantage quand tu fais ce que je fais comme spectacle, c’est que je suis capable de faire un spectacle d’humour sur n’importe quel sujet de la biologie. Tout est faisable. »
L’ART DE LA VULGARISATION
La plupart des spectateurs qui assistent à un spectacle de Boucar Diouf ou des lecteurs qui lisent ses livres n’ont pas et n’auraient jamais eu envie de suivre des cours de biologie. Pourtant, c’est exactement ce qu’il leur propose sous un vernis plus ludique et compréhensible. « C’est l’enseignement qui m’a donné cette faculté. J’ai enseigné durant huit ans la biochimie structurale, le métabolisme énergétique, la biologie marine, la génétique... L’ensei- gnement, c’est du spectacle pour moi, j’ai toujours vu une classe comme une salle de spectacle. Tu arrives dans un amphithéâtre et tu as 70 étudiants blasés qui t’attendent. Pour arriver à leur passer ton message, il faut que tu inno- ves, que tu prennes des chemins de contournement, que
tu apprennes à raconter les choses autrement pour que ce soit moins drabe. »
Il applique désormais cette méthode pour l’écriture de ses spectacles, et ça fonctionne. Les gens rient tout en étant informés. « Le pouvoir du rire est important. Quand je don- nais des cours de biochimie, je faisais des capsules pour les étudiants, qui s’appelaient les Boucardises. Je faisais rire les étudiants et ce sont eux qui m’ont inscrit au festi- val Juste pour rire, ce qui m’a ensuite amené à Des kiwis et des hommes en tant que chroniqueur. » En résumé, il a amené l’humour comme outil pédagogique dans ses cours, ce qui l’a propulsé dans les médias et sur scène. Pour boucler la boucle, il a ramené la science dans l’humour.
« C’est la raison pour laquelle je suis sur mon X. Les gens pensent que je fais plein de choses, des émissions de ra- dio, des documentaires, des spectacles, des chroniques, mais la réalité, c’est que tout ça, c’est la même affaire. Je fais de la vulgarisation scientifique, c’est le point commun de toutes mes activités. »
DÉCOUVERTE DE LA LECTURE
Comme la plupart des scientifiques, Boucar Diouf n’est pas un grand lecteur de romans de fiction. « Je lis surtout des briques de science sur toutes sortes de disciplines. Les romans, c’est une façon de voyager et de sortir de soi, mais je retrouve cette sensation dans la biologie.
Il y a tellement de choses qui me font « capoter ».
Entre choisir de lire une histoire inventée et un livre
sur le triomphe des graines, c’est sûr que je vais aller vers la lecture scientifique. »
Pourtant, le jeune Boucar a commencé par dévorer des Mickey lorsqu’il était enfant dans son Sénégal natal.
« J’adorais les aventures de l’oncle radin Picsou. Quand j’étais enfant, en Afrique, les livres étaient assez rares.
On les louait, on se les échangeait. Le tout premier livre que j’ai lu au complet et qui a certainement influencé mon histoire, c’est Pêcheur d’Islande, de Pierre Loti. »
En résumé, ce roman raconte la relation amoureuse d’une fille de la haute société pour un pêcheur islandais. « Je ne sais pas où ma mère l’avait trouvé parce qu’elle n’avait
 16











































































   14   15   16   17   18