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  RÉFÉRENCE INCONTOURNABLE EN MATIÈRE D’HISTOIRE RÉGIONALE, D’OÙ LUI VENAIT CET AMOUR DE LA CÔTE-NORD POUR SON TERRI- TOIRE, SON TERROIR ALIMENTAIRE, SES GENS ET LEURS EXPRESSIONS TYPIQUES?
Certainement de son enfance et de sa famille; il a toujours baigné là-dedans! Son amour du passé s’est développé après avoir lu pour la première fois des récits de Placide Vigneau, Un pied d’ancre. C’était des extraits de ses observations lorsqu’il était gardien de phare à l’Île aux Perroquets. Guy, c’est le Pla- cide des temps modernes! Il notait, écrivait et rapportait tout! Il ne voulait pas qu’on s’oublie en tant que Nord-Côtier. D’ailleurs, son premier article dans La Revue d’Histoire de la Côte-Nord était un hommage à Placide Vigneau.
LE RESPECT ET L’ÉCOUTE DE NOS AINÉS, LE PARTAGE DE LEUR SAVOIR ET DE LEUR VÉCU, DONC LA PROTECTION DU PATRIMOINE IMMATÉRIEL, C’ÉTAIT UNE PRIORITÉ POUR GUY?
Oui, c’était une urgence et un combat. Le patrimoine phy- sique se perd et s’effrite avec la main de l’homme et les tempêtes du grand large; mais la menace de la disparition du patrimoine immatériel est réelle avec les ainés qui dé- cèdent. Ça l’animait au quotidien cette urgence de le préser- ver en rencontrant et en interviewant le plus grand nombre d’ainés en santé et avec une bonne mémoire. Le projet de recherches des surnoms, ça s’est fait justement par entre- vues. Il débarquait chez les gens avec du thé, des cadeaux, des biscuits, quelques photos et le moulin à paroles était parti; ça jasait (rires). Il nous ramenait ça sous forme de rap- port ou d’article. Il était très habile pour établir des liens de confiance avec ses incontournables informateurs. Quand tu es une personne âgée, tu ne laisses pas n’importe qui en- trer dans ton passé. Guy, il était naturel, simple et attachant. C’était facile pour lui d’être accueilli par ces gens-là.
QUEL GENRE D’ÉCRIVAIN ÉTAIT GUY CÔTÉ?
Il était très volubile quand il se mettait à écrire. Son écriture se rapprochait beaucoup de sa façon de parler, très géné-
©Vanessa Ward
reux en mots (rires). Des fois je lui disais : « Ta phrase fait quatre lignes, trouve un endroit pour mettre un point! ». Ma mère était professeure, donc j’ai été élevé à dire et à écrire les choses le plus précis possible. Cette complémentarité tombait à point entre nos deux styles d’écriture et nos deux façons de s’exprimer qui l’une comme l’autre avait sa valeur, sa raison d’être et sa richesse.
À TRAVERS SES DIFFÉRENTS OUVRAGES ET ÉCRITS, QUEL EST L’HÉRITAGE DE GUY CÔTÉ?
D’avoir fait le lien entre hier et aujourd’hui. D’avoir laissé la parole à des dizaines de personnes qui ont bâti la Côte-Nord sans jamais s’en vanter, dans l’ombre. Ce n’étaient pas les politiciens ou les vedettes qui le fascinaient, mais bien le vrai monde qui chassait, trappait, gardait des phares et jouait un rôle indispensable dans leur communauté. La sauvegarde de la mémoire collective régionale, c’était sa mission et il était sur la première ligne. On est très peu sur la Côte-Nord à livrer ce combat. Il y a Bernard Landry de Natashquan, les Tanguay de Baie-Johan-Beetz, les différentes sociétés historiques et moi je le fais ici, à ma manière. Avec le décès de Guy, non seulement la relève est rare, mais nous perdons un monument. Quelqu’un de son envergure, s’il existe quelque part dans notre région, je ne le connais malheureusement pas.
Propriétaire d’une impressionnante collection de docu- ments, la famille de Guy Côté a remis plus d’une centaine de livres à la bibliothèque municipale de Havre-Saint-Pierre. La bibliothèque de l’école Monseigneur-Labrie de Havre-Saint- Pierre, la bibliothèque des Archives nationales de Sept-Îles, la Bibliothèque et Archives nationales du Québec, la Société historique de la Côte-Nord et celle de Havre-Saint-Pierre, le Musée régional de la Côte-Nord, Parcs Canada et l’Herbier Marie-Victorin du Jardin botanique de Montréal se partage- ront le reste de sa collection.
L’abécédaire Tête-à-la-baleine 101 – De quoi paumoyer! sera éventuellement publié à titre posthume.*Paumoyer : Verbe transitif. Pour le pêcheur, avec les mains, vider les cages à homard, visiter les filets ou lever les lignes de pêche. 35
©Sarah Haverstock
  





















































































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