Page 18 - Danièle Henkel
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ENTREVUE EXCLUSIVE
AVEC DANIÈLE HENKEL
DÉPART D’ALGÉRIE
Quelques années plus tard, mariée à un fonctionnaire du gouvernement algérien qui dirige une compagnie étatique de plus de 6000 employés, elle accepte un poste au consulat des États-Unis à Alger. « Je travaillais pour le département d’État améri- cain. Tout ce qui m’importait était
la sécurité de mes enfants. J’étais maman de quatre enfants, à 26 ans, et je tenais à ce que ma famille ne manque de rien. Je ne réalisais pas vraiment l’impact négatif que pouvait avoir mon travail sur la posi- tion qu’occupait mon conjoint. C’est là que j’ai compris tous les dom- mages que pouvaient causer des préjugés non-fondés. S’il n’avait pas été l’homme aux grandes valeurs humaines et familiales qu’il est, je pense qu’on aurait pu se
séparer. Il a eu à répondre à beaucoup de questions de la part de sa hiérarchie, et moi aussi. »
L’Algérie vit à ce moment-là une période un peu trouble et Danièle Henkel sent que le vent commence à tourner. « Il y avait des changements dans la société, dans les discussions sur les enfants, l’éducation, l’habille- ment, et j’ai eu l’intuition, pour une raison que je ne pourrais toujours pas décrire, qu’il se passait
quelque chose. »
C’est à ce moment-là qu’elle envi- sage de quitter le pays, notamment pour l’avenir et la sécurité de ses enfants. « Un jour, j’étais assise à mon bureau où il y avait un globe
terrestre, qui était aussi une lampe. Je rêvais de voyager et de visiter
le monde. Je me suis demandée
où j’irais si je devais aller m’établir quelque part. J’ai fait tourner le globe, j’ai fermé les yeux et je me suis dit que là où mon doigt allait se poser, ce serait bien. »
PAS DE HASARD
Danièle Henkel est convaincue qu’il n’y a pas de hasard dans la vie
et son histoire tend à le prouver. Quelques mois après ce signe de la vie, elle se retrouve à Montréal pour participer à un séminaire mondial organisé dans le cadre de son travail. « La première fois que je suis venue à Montréal, ce qui m’a le plus frappée, ce sont les gens. Ça riait, ça parlait gentiment, ça posait des questions, les gens étaient d’une amabilité impressionnante, comme si je me retrouvais dans un endroit sur Terre où tout allait bien, alors que j’arrivais d’un endroit difficile. »
Malgré une proposition pour travail- ler au département d’État américain à Montréal, Danièle Henkel a écouté son intuition et a pris une autre déci- sion. « Ce qui était clair, c’est le res- senti, rien de factuel. Mes enfants, mon conjoint, ma maman étaient francophones. Ils ne parlaient pas anglais. Déjà, le fait de les déraciner était traumatisant. Je devais trouver des points de repère pour faciliter notre intégration : ce fut le Québec pour la langue et un vrai coup de cœur.»
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