Page 35 - gregory charles
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 Pièce de théâtre Fleuve (novembre 2019)
Les tournées de théâtre m’ont permis de garder contact avec ma région. J’avais espoir qu’avec la pièce Mademoiselle Agnès, que je joue au Rideau Vert en mai, je repasserais par Baie-Comeau. Malheureusement, il n’y aura pas de tournée; il y en a de moins en moins d’ailleurs. Mais j’ai la Côte-Nord dans le cœur et l’air en mémoire. C’est le territoire originel, c’est ma fondation. Ma première fiction, Le jeu de l’oiseau, que j’ai écrite pendant la pan- démie, se déroule sur la Côte-Nord; ce territoire est le premier que je connais. J’en suis loin en distance, mais il est intégré et imprégné.
APRÈS  VOS  QUATRE  RÉCITS  AUTOBIOGRAPHIQUES,  VOUS  AVEZ  ÉCRIT  LE  JEU  DE  L’OISEAU (LEMÉAC), PUBLIÉ EN JANVIER 2022. VOUS ABORDEZ LE SUJET DE LA VIOLENCE CONJUGALE,  DE LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES À TRAVERS L’HISTOIRE ET L’IMAGINAIRE DES JUMEAUX  CLAIRE  ET  RAYMOND,  DEUX  ENFANTS.  C’EST  UNE  FICTION,  MAIS  VOUS  AVEZ  ÉTÉ  INSPIRÉE  D’UN SOUVENIR MARQUANT DE VOTRE ENFANCE ?
Lorsque j’étais enfant, j’avais été invitée à diner chez une petite fille que je ne connaissais pas beaucoup. À mon retour dans la cour d’école, un groupe de filles qui jouaient à la corde à danser m’ont dit : « Tu sais que tu es allée manger chez une femme bat- tue? C’est dégueulasse, les femmes battues! » Ça m’a marquée; même si j’étais une enfant, j’avais la sensation de vivre dans un monde à l’envers.
Pourquoi cette femme était dénigrée? Elle était la victime et les petites filles trouvaient que c’était elle, qui était dégueulasse. Pourquoi elles avaient parlé en mal de cette femme? Je ne savais pas quoi faire avec ça, j’étais trop petite, mais cette impression ne m’a jamais quittée. C’est ce que j’ai visité en écrivant Le jeu
Pièce de théâtre Fleuve (novembre 2019)
© YVES RENAUD
 © YVES RENAUD
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