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    © SAMUEL CÔTÉ
RENCONTRE D'AUTRICE Sylvie Drapeau
jections vidéo magnifiques, extrêmement provocatrices.
théâtre. J’apprends aux spectateurs qui me suivent depuis plus de 30 ans et me connaissent à travers C’était si beau... Je faisais la narration d’une façon très re-
toutes sortes de rôles, qu’être une actrice, c’est aussi tenue, jamais dans l’émotion. Sensible, mais avec un cer-
tain détachement. Le public vivait sa propre émotion et
être quelqu’un chargé d’une vie plus ou moins tragique, mais vraie.
non la mienne. Quel cadeau m’a offert Angela Konrad, une
grande metteure en scène! Touchée par cette tétralogie,
c’est elle qui a voulu en faire un événement de théâtre. J’ai
J’aime leur dire qu’une actrice, c’est une vie et à travers fait l’adaptation à partir de ses décisions de metteure en
laquelle se construit des personnages. Je suis chargée scène. C’est la contraction en une heure trente de quatre
d’un vécu et mes personnages tragiques sont nourris par livres dont j’ai gardé le récit. Ce n’était pas si compliqué,
qui je suis. Et cette fois, c’est mon histoire que je raconte; car il n’y a pas de dialogue; c’est un grand monologue.
je donne accès à Sylvie. C’est très spécial, car pour la C’était l’occasion de partager mon œuvre autrement. Que
première fois et probablement la dernière, le personnage ce soit par l’écriture ou le théâtre, l’art c’est un partage et
c’est moi, Sylvie. C’est profond, c’est beau. Cette expé- celui-ci était d’autant plus très personnel.
rience se vit finalement à plusieurs niveaux.
Ça aurait pu être trop beurré, mais grâce à la sobriété de la mise en scène, juste assez émotive et l’éclat au niveau visuel, c’était la grande classe! Mes sœurs ont assisté au spectacle; la meute était présente. J’appréhendais vraiment ce moment; je craignais qu’elles soient trop remuées et virées à l’envers. Elles ont adoré et ont été agréablement surprises. Émues, mais très heureuses. C’est un moment inoubliable et infiniment touchant.
CETTE ADAPTATION AU THÉÂTRE, ÉTAIT-CE UNE FAÇON DE CONSOLIDER VOS DEUX  CARRIÈRES D’ACTRICE ET DE ROMANCIÈRE ?
C’est une question intéressante! Je ne l’avais pas vu comme ça, mais ça fait du sens. Dans mon quatrième opus, La terre, on apprend que la narratrice est une actrice. Et c’est évidemment la fin de Fleuve, version
VOUS AVEZ GRANDI À BAIE-COMEAU ET QUITTÉ LA RÉGION POUR ÉTUDIER À L’UNI- VERSITÉ  DE  MONTRÉAL.  VOS  ROMANS  ÉVOQUENT  DE  PROFONDES  DOULEURS,  MAIS EXPRIMENT AUSSI LA BEAUTÉ DU TERRITOIRE ET LA FORCE DES ÉLÉMENTS.  QUELLE RELATION ENTRETENEZ-VOUS AVEC LA CÔTE-NORD ?
Même si je suis partie à 19 ans, j’ai la Côte-Nord ta- touée sur le cœur et le corps. Je me souviens de mes premières années à Montréal, à l’université, puis au théâtre; je manquais d’air, mais je ne le savais pas. C’est quand je retournais pour les vacances ou la pé- riode de Noël, lorsque je descendais de l’autobus, j’avais tellement d’air! Je le recevais en pleine face et je prenais conscience que ça me manquait à Montréal, cet air du fleuve. J’y retourne moins souvent, car je n’ai plus personne là-bas. Ça fait d’ailleurs plusieurs années que je n’y suis pas allée.
« Même si je suis partie à 19 ans,  j’ai  la  Côte-Nord  tatouée  sur  le  cœur et le corps. »
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